Le référé-liberté




Le référé-liberté est une procédure d’urgence mise à disposition des justiciables qui estiment que leurs libertés fondamentales ont été violées. Elles devront s’adresser au juge du tribunal administratif qui pourra prononcer, dans un délai très court (généralement dans les quarante huit heures), des mesures destinées à assurer la sauvegarde des libertés auxquelles il a été porté atteinte.

La procédure de référé liberté ne pourra être engagée qu’à certaines conditions. Tout d’abord, la violation constatée doit s’inscrire dans une relation entre le justiciable et l’administration ou un organisme chargé d’une mission de service public. L’administration en question doit avoir porté une atteinte grave et manifestement illégale à une ou plusieurs libertés fondamentales dans l’exercice de ses pouvoirs. Enfin, la procédure de référé ne se justifiera que si l’urgence est caractérisée, à défaut d’urgence, il faudra suivre les procédures de droit commun.

Les libertés susceptibles d’être protégées par la procédure de référé liberté sont celles énoncées par la loi au sens large (liberté d’aller et de venir, liberté d’association, liberté d’expression, liberté de la presse, etc.). Toutefois, toutes les libertés ne peuvent être invoquées à l’appui d’une procédure de référé. Ainsi par exemple, il ne sera pas possible d’engager une procédure de référé pour faire valoir le principe d’égalité de tous les usagers devant le service public.

La procédure de référé ne sera recevable que si l’atteinte portée aux libertés est manifestement illégale et particulièrement grave. L’atteinte pourra être constituée par une abstention de l’administration, par un manquement à l’une de ses obligations, par une décision qu’elle aurait prise ou par une action matérielle, par exemple des ouvrages construits en violation des droits d’un administré. L’illégalité de la mesure ou de la décision de l’administration sera manifeste lorsque l’atteinte portée sera clairement disproportionnée aux buts qui ont justifiés la mesure.

L’atteinte doit revêtir une certaine gravité. Il faut un lien direct entre l’illégalité de la mesure prise par l’autorité administrative et les effets constatés sur l’exercice de la liberté fondamentale. Pour apprécier le caractère de gravité le juge prendra en compte les limitations d’ordre général qui ont pu être apportées par le législateur à l’exercice de cette liberté. Par exemple, l’exercice de certaines activités professionnelles peut être soumis à autorisation, ce qui en soit constitue une atteinte à la liberté d’entreprendre, une atteinte justifiée par la préservation d’autres intérêts. Le caractère illégal de cette atteinte doit être évident.

L’urgence est par ailleurs un préalable indispensable au recours en référé. La preuve pourra être apportée par différents documents : expertises, etc. Il s’agira donc pour faire la preuve de cette urgence, soit d’apporter des éléments concrets d’appréciation, soit d’alléguer d’un préjudice certain (il sera constitué à défaut d'intervention du juge). Dans son appréciation, le juge prendra en compte l’atteinte portée à la situation du requérant mais il ne manquera pas prendre en considération la question de la sauvegarde de l’intérêt général (par exemple, en veillant au maintien de l’ordre public). Un requérant qui se serait lui-même placé dans une situation de nature à lui porter préjudice ne pourra par exemple pas invoquer l’urgence pour faire cesser l’atteinte qui lui est portée. La preuve de ces différents éléments portera sur le demandeur, c’est donc au justiciable qu’il reviendra d’établir en quoi l’administration aurait méconnu une liberté fondamentale. S’il estime que des éléments de preuve suffisants ont été apportés, le juge des référés pourra enjoindre à l’Administration à suivre les recommandations qu’il détermine afin d’éviter qu’une atteinte grave et manifestement illégale soit portée à une liberté fondamentale. C’est à la date à laquelle la demande sera portée devant lui que le juge appréciera la réalité de l’atteinte. Il faudra bien évidemment que le requérant soit la victime directe de l’atteinte et qu’il en souffre personnellement. A la différence du référé-suspension, la procédure de référé-liberté n’exige pas qu’un recours au fond ait été introduit préalablement à la demande de référé.

La procédure du référé-liberté

La présentation de la requête de référé liberté est peu formaliste. Le demandeur n’a pas l’obligation de constituer avocat, il peut donc choisir de se présenter seul devant le juge. Par ailleurs, élément important, la recevabilité de la procédure de référé liberté n’est pas subordonnée à l’engagement d’un recours au fond.

La requête est réalisée par écrit. Elle devra comporter la description précise des faits, une présentation des arguments juridiques servant de base à la demande et la justification de l’urgence qu’il y a à intervenir. Il faudra la déposer au greffe du tribunal administratif. Elle peut également être adressée par courrier recommandé avec accusé de réception avec l’indication sur l’enveloppe qu’il s’agit d’un référé.

Une fois la requête de référé liberté introduite, il y aura une phase d’instruction écrite puis une audience. L’instruction est accélérée par rapport à une procédure au fond. Cependant, le juge peut, dès le dépôt de la requête et sans qu’il soit nécessaire de mener une instruction, rejeter la demande de référé lorsqu’il estime que celle-ci est mal fondée ou irrecevable. La procédure est contradictoire, chaque partie sera donc appelée à s’exprimer, de manière écrite ou orale. Une fois l’instruction achevée, l’audience est fixée au maximum 48 heures après le dépôt de la requête.

Durant l’audience les parties pourront faire valoir tout moyen de droit ou de fait. Le juge ne pourra pas ordonner que des expertises soient réalisées, seuls les éléments présentés à l’audience lui serviront donc pour se prononcer. S’il estime que les conditions sont remplies et par conséquent que la demande est fondée, le juge prononcera des mesures de sauvegarde afin de mettre fin à l’atteinte portée aux droits et libertés du requérant. Ses mesures pourront avoir un effet sur tout ou partie de la décision administrative. Si c’est un acte administratif dont il est question, la suspension de ses effets ne pourra viser qu’une partie de l’acte. Cependant, il ne pourra pas ordonner l’annulation de la décision administrative ou ordonner une mesure qui aurait pour effet d’annuler les effets d’un jugement rendu par l’autorité administrative. En principe, la décision est prise par un juge unique, toutefois, celui-ci peut, au vu de la complexité de l’affaire, requérir une formation collégiale. Le juge se prononce par ordonnance : l’ordonnance de référé. Cette dernière est exécutoire de plein droit. Toutefois, elle n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée, ce qui signifie qu’elle n’est pas définitive. Il sera donc possible de réformer le jugement. Aussi, une fois l’ordonnance rendue, il sera possible d’en exiger l’application dès lors qu’elle aura été portée à la connaissance de l’Administration. Il est à noter que le juge peut modifier l’ordonnance à tout moment s’il lui est fait état d’éléments nouveaux permettant de revenir sur la décision rendue.

L’ordonnance de référé liberté peut faire l’objet d’un appel. Toutefois, le demandeur ne pourra pas faire appel s’il a été fait droit à ses prétentions et le défendeur ne pourra pas contester la décision rendue si les conclusions du demandeur ont été rejetées. L’appel devra être présenté devant le Président de la section du contentieux du Conseil d’Etat. Ce dernier se prononcera dans un délai de quarante huit heures. Les parties ont quinze jours pour faire appel, l’appel peut donc émaner aussi bien du justiciable que de l’Administration.

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