Les éléments constitutifs de l'infraction de blanchiment d'argent




L'incrimination générale de blanchiment présente des liens avec le recel car il s'agit également d'une infraction de conséquence, des exigences sont donc posées par la loi concernant l'infraction d'origine. Par ailleurs, des éléments constitutifs particuliers caractérisent le blanchiment.

Le blanchiment suppose, en premier lieu, la réalisation antérieure d'une autre infraction. Les remarques faites pour le recel valent ici, la même formule légale étant reprise. Le texte évoque un crime ou un délit, cela signifie qu'il ne peut s'agir d'une contravention. C'est la seule restriction, toutes les autres infractions, toutes les autres formes de criminalité organisée peuvent être poursuivies sur le fondement de ce texte, le proxénétisme, la corruption, la fraude fiscale, le trafic d'œuvres d'art par exemple. Il convient de ne pas oublier cependant que le trafic de stupéfiants ne peut constituer ici l'infraction d'origine, le blanchiment de l'argent de la drogue faisant encore aujourd'hui l'objet d'un texte spécial auquel il faut se reporter. Cette spécificité ne se justifie pas par des éléments constitutifs différents mais par des règles procédurales particulières. Il en va de même d'autres infractions spéciales comme celles réprimées par le code des douanes par exemple. De manière générale, ce sont les faits qui sont déterminants et il importe peu que celui qui procède au blanchiment connaisse la qualification de l'infraction de référence. Les juridictions devront cependant préciser quelle a été l'infraction d'origine pour permettre à la Cour de cassation d'effectuer son contrôle.

Il existe deux formes de blanchiment : Il s'agit de faciliter la justification mensongère de l'origine des biens ou du concours apporté à une opération de blanchiment.

Faciliter la justification mensongère de l'origine des biens peut se faire par tout moyen. En pratique les procédés de facilitation consisteront essentiellement en des faits d'aide et d'assistance, établissement de fausses factures, jeux d'écritures fictifs sur comptes bancaires ou attestations de complaisance ou encore fausses attestations de gains de jeu par exemple.
Cette forme de blanchiment ne peut néanmoins résulter que d'un acte positif, non d'une abstention, sauf à considérer que la personne avait, de part ses fonctions, l'obligation d'agir et qu'elle s'est abstenue de le faire. Le même raisonnement est suivi qu'en matière de complicité. Le juge devra motiver sa décision en précisant notamment quelles ont été ces facilités et en soulignant le caractère mensonger de la justification.

La justification porte sur l'origine des biens ou des revenus de l'auteur du crime ou du délit. Là encore les termes sont suffisamment généraux pour englober n'importe quel bien, corporel ou incorporel, meuble ou immeuble ainsi que des actes ou des titres portant sur ces biens. On notera toutefois le fait que les immeubles ne sont pas exclus. Le champ d'application de l'incrimination est donc particulièrement large. Les revenus quant à eux doivent être pris au sens large par ce qui revient ou qui provient de l'infraction principale.

L'originalité de cette incrimination est que l'accusation n'a pas à démontrer que les biens ou revenus ayant fait l'objet d'une justification proviennent d'un crime ou d'un délit. La loi pose une présomption irréfragable selon laquelle le mensonge porte nécessairement sur le produit de l'infraction, ce qui facilite d'autant l'établissement de la preuve pour le ministère public. Pour établir le blanchiment, il suffit donc de montrer que la justification est mensongère et que son bénéficiaire a commis un crime ou un délit dont il a tiré profit. Par ailleurs, ce profit peut être matériel, moral, direct ou indirect. Pour l'auteur du blanchiment en revanche, aucune exigence de profit n'est posée par le texte comme condition de la répression.

Le concours à l'opération de blanchiment est la seconde forme de blanchiment prévue. Il s'agit alors d'apporter son aide, par des actes positifs, à l'une au moins des trois phases du blanchiment, c'est-à-dire selon le code le placement, la dissimulation et la conversion. Peuvent être poursuivis les fonctionnaires du Trésor, les banques et les institutions financières par exemple. Ce qu'il est important de noter, c'est que l'acte matériel réside dans une opération intellectuelle ; le concours à un placement peut se limiter à un conseil. Le concours à une opération de dissimulation peut relever de la simulation touchant les actes juridiques. Ainsi peut se rendre coupable de blanchiment, le prête-nom derrière lequel se dissimule le constituant de la fiducie dans le trust ou la société de façade. Il peut aussi plus simplement s'agir d'une dissimulation matérielle d'un bien. La question qui se pose est de savoir si la dissimulation peut consister à garder le silence lorsqu'il y a obligation de déclarer. Il n'y a pas d'arrêt sur la question, mais il semble que la réponse soit affirmative. Le concours à une opération de conversion consistera à changer une somme d'argent liquide en valeur, des billets de banque en or, des titres au porteur en titres nominatifs, des biens en espèce etc. L'un des exemples le plus courant consiste à convertir de l'argent en plaque de jeu, converties elle-même en chèques ce qui permettra de justifier les ressources par des gains de jeu.

Dans cette seconde forme de blanchiment, les biens sur lesquels porte l'opération constituent le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. La référence au produit permet une interprétation large. En effet, le blanchiment peut porter sur le bien objet de l'infraction d'origine, mais aussi sur une chose autre car la subrogation peut jouer comme en matière de recel. Ainsi avec les notions d'emploi et de remploi, l'incrimination s'étend, c'est ce que la doctrine appelle l'effet " boule de neige ". Mais, au fur et à mesure que l'on s'éloigne de l'infraction d'origine, le blanchiment devient de plus en plus difficile à prouver, or, le lien avec l'infraction d'origine doit être impérativement établi.

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