Les particularité de la poursuite du délit d'initié




Les particularités de la poursuite tiennent à la nature du délit d'initié qui constitue simultanément une infraction pénale et un manquement au règlement institué par l'Autorité des marchés financiers.

Les modalités de la poursuite.

Depuis sa création la Commission des opérations de bourse a vu régulièrement ses pouvoirs renforcés par des lois successives jusqu'à lui conférer un pouvoir sanctionnant autonome. Ces pouvoirs sont aujourd'hui ceux de l'Autorité des marchés financiers, mais l'AMF étant une autorité publique indépendante, elle est dotée de la personnalité morale, ce qui lui permet d'agir devant toute les juridictions.

L'AMF dispose du pouvoir d'édicter des règlements destinés à organiser le fonctionnement et la transparence du marché boursier et de prononcer les sanctions prévues par la loi en cas de manquement. Parmi les règlements en vigueur, il en est un qui interdit, en des termes équivalents à la définition pénale du délit d'initié, les comportements qui portent atteinte à l'égalité d'information et de traitement des investisseurs. Ce règlement a été modifié le 12 novembre 2004 afin d'intégrer les dispositions de la directive européenne « Abus de marché », ce qui eu une incidence sur la définition du manquement d'initié. Auparavant, le délit d'initié et le manquement d'initié avaient une définition identique, strictement, ce qui n'est plus le cas par la modification du texte d'incrimination du manquement d'initié. Sur le fondement du manquement d'initié, l'AMF peut donc engager une procédure de sanction contre celui qui a transgressé le règlement. Cette procédure doit respecter les règles de toute procédure judiciaire.

La loi consacre plusieurs principes gouvernant les poursuites : séparation des fonctions au sein de la commission sanction de l'AMF ; respect du contradictoire et des droits de la défense. Les trois étapes de la procédure de sanction sont confiées à des autorités différentes : l'enquête est ouverte par le secrétaire général de l'AMF ; au vu de du rapport du secrétaire général, le collège de l'AMF peut décider de déclencher une procédure de sanction ; enfin l'audience et le prononcé de la sanction pécuniaire relèvent de la commission sanction présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire ou administratif. La décision est susceptible de recours devant les juridictions judiciaires compétentes dans un délai de deux mois (Tribunal de Grande Instance et Cour d'appel de Paris). L'utilisation d'une information privilégiée sur le marché boursier peut donc être poursuivie sur le fondement du délit d'initié devant la juridiction correctionnelle et au titre du manquement au règlement devant l'AMF. Cette double poursuite est compatible avec la règle procédurale fondamentale de notre procédure pénale " non bis in idem " (on ne peut poursuivre une même personne pour des faits identiques une seconde fois).

En application de ce principe, il est interdit de poursuivre deux fois une même personne pour les mêmes faits. L'exclusion de la double poursuite implique une rigoureuse identité d'objet de la poursuite, de partie. En matière de délit d'initié, ces conditions ne sont pas remplies : l'objet est certes identique il s'agit de sanctionner un comportement déviant tant au regard du règlement de l'AMF que de la loi pénale ; la partie poursuivie est la même, en revanche la partie poursuivante diffère, ministère public devant le juge pénal, président de l'AMF dans l'hypothèse de manquement d'initié. Par conséquent, la double poursuite est possible. D'autant que la Cour de cassation a jugé récemment que la règle "non bis in idem" ne trouve à s'appliquer que pour les infractions relevant de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale, mais elle n'interdit pas l'exercice de poursuites devant le juge répressif parallèlement à une procédure conduite devant la COB (aujourd'hui AMF mais la solution est identique) aux fins de sanctions administratives. La loi apporte cependant une restriction à cette possibilité de double poursuite. En effet, la loi nouvelle dote l'Autorité des marchés financiers de la personnalité morale, ce qui lui permet de se constituer partie civile devant la juridiction pénale.

Cependant la loi exclut la possibilité pour l'AMF de poursuivre devant elle la personne contre laquelle elle s'est constituée partie civile. Il résulte pour l'AMF une obligation de choix : ou bien elle poursuit devant elle et elle ne peut plus se constituer partie civile devant la juridiction pénale ; ou bien elle choisit d'exercer les droits de la partie civile et les poursuites devant l'AMF sont impossibles. La modification du règlement de L'AMF restreint les possibilités de poursuites pour manquement d'initié . En effet, le nouveau règlement encadre plus étroitement la notion d'information privilégiée. Est privilégiée, l'information qui serait susceptible d'avoir une influence « sensible » sur les cours du marché. Ce terme « sensible » est nouveau et limite les poursuites en excluant les informations qui n'auront qu'une influence légère ou modeste sur les cours .Par conséquent, les hypothèses de double poursuite diminueront probablement, ce qui simplifiera les procédures.

Le cumul de sanctions.

La question de savoir si au regard du principe de non-cumul des peines consacré en droit français (à l'exception de la matière contraventionnelle), les mêmes faits pouvaient faire l'objet d'une double condamnation pour délit d'initié et manquement d'initié a été soumise au Conseil constitutionnel lors du contrôle de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a admis la possibilité du cumul de sanctions, en l'assortissant cependant d'une limite. Le cumul est licite à la condition que le montant cumulé des amendes prononcées par le juge pénal et l'AMF n'excède pas le plafond légal de 1 500 000 euros fixé par le code des marchés financiers.

La tentative de délit d'initié n'est pas punissable car elle n'est pas prévue par la loi. La prescription de l'action publique est enfermée dans un délai de trois ans. Le point de départ de ce délai est le jour de la passation de l'ordre de bourse ou de la communication d'informations privilégiées. L’Autorité des Marchés Financiers peut se constituer partie civile devant le juge pénal, si elle n’a pas mis en œuvre elle-même une procédure pour manquement d’initié.

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