L'escroquerie est constituée par un acte de tromperie




Fondamentalement, l'escroquerie est le mécanisme par lequel une personne va frauduleusement obtenir la remise d'une chose, à l'aide d'une tromperie. L'escroquerie est donc une infraction de commission, qui suppose la constatation d'un comportement actif de l'escroc.

Des éléments sont sous-jacents, d'autres non, puisque le préjudice est aussi un élément de l'infraction. Cette infraction se caractérise donc par la tromperie provocant la remise d'une chose au préjudice d'une personne avec l'intention de tromper.

• L'usage de faux nom ou de fausses qualités

Pour certains auteurs, ce sont les procédés les plus simples de l'escroquerie. Il s'agit en effet d'utiliser un faux patronyme ou selon un vocabulaire plus actuel un faux nom de famille ou un faux prénom ou un faux pseudonyme, c'est-à-dire au fond un autre nom que le sien, un nom que l'on ne peut pas utiliser. C'est un mensonge sur le nom qui dans certaines hypothèses peut suffire à déterminer la remise de la chose convoitée par l'escroc. Il importe peu par ailleurs que le nom utilisé soit réel, usurpé ou utilisé avec l'accord de la personne titulaire du nom, laquelle pourra être poursuivie, dans ce dernier cas, comme complice. Le nom peut aussi être imaginaire. Enfin, l'usage peut en être verbal ou écrit. Si le faux nom est déterminant de la remise, il sera constitutif de l'escroquerie.

L'usage de fausses qualités est assez proche, il s'agit toujours d'un mensonge mais il porte sur " des qualités ", notion bien plus délicate à cerner que la précédente. Pour favoriser la répression, la jurisprudence retient une conception relativement large des qualités. Il s'agit bien sûr des éléments de l'état des personnes, c'est-à-dire l'âge, la filiation, le domicile, la situation matrimoniale, la nationalité. Il peut aussi s'agir d'un mensonge sur les titres (titres de noblesse ou titre universitaire) ou sur les diplômes. En dehors de toute remise, ce comportement peut alors tomber sous le coup de texte particulier : usurpation de titre attaché à certaines professions. Concernant un docteur en médecine, l'usurpation du titre de docteur en médecine n'étant pas un élément constitutif du délit d'exercice illégal de la médecine et cette infraction n'exigeant pas le versement d'une rémunération, l'usage par le prévenu de la fausse qualité de médecin pour obtenir la remise d'argent à titre d'honoraires caractérise le délit d'escroquerie.

Les allégations mensongères relatives à la profession ou aux fonctions. Au travers des exemples tirés de décisions de justice, il est constant que toutes les professions sont visées, quelles soient publiques ou privées, réglementées ou non. En revanche, il est des domaines pour lesquels les juges refusent d'étendre la notion de fausses qualités. Ainsi, le fait de se prétendre faussement propriétaire d'une chose n'est pas constitutif d'escroquerie car l'affirmation d'un droit n'équivaut pas à usurper une qualité selon la jurisprudence constante de la Cour. Pour les mêmes raisons, se prétendre créancier n'est pas non plus, en soi, une escroquerie. Dans ces conditions, il est difficile de trouver une véritable cohérence dans les solutions jurisprudentielles.

De manière générale, la fausse qualité de mandataire consiste à cacher au mandant une contrepartie frauduleuse. Quelle que soit la qualité prétendue, elle ne sera constitutive d'une escroquerie que si elle est mensongère au moment des faits et si elle est déterminante de la remise. Il y a donc fausse qualité quand la personne use d'une qualité qu'elle a eue mais qu'elle n'a plus. Il en va ainsi par exemple du VRP qui continue à se prétendre représentant d'une société qui n'existe plus.

• L'abus de qualité vraie

Il s'agit d'un procédé d'escroquerie à part entière, qui justifie les poursuites indépendamment de l'existence des manœuvres frauduleuses dans la mesure où il a été déterminant dans la remise de la chose. Il est utilisé en particulier par les professionnels. Ce procédé particulier d'escroquerie peut être perpétré facilement par les professionnels. En effet, ces derniers seront parfois tentés de mettre en avant leur vraie qualité (de notaire, de conseil juridique, d'avocat, de maire, de receveur principal des impôts) inspirant confiance pour donner force et crédit à leurs mensonges. Pour poursuivre sur le terrain de l'abus de qualité vraie, la preuve d'un acte abusif sciemment commis dans l'exercice des fonctions est nécessaire. C'est très concrètement l'exemple du dirigeant d'une société de crédit qui recueille des fonds prétendument destinés à des prêts, de l'avocat qui abuse de son titre pour obtenir le désistement de l'adversaire de son client.

• Les manœuvres frauduleuses

Ces manœuvres impliquent nécessairement des actes de commission en vue d'obtenir la remise d'une chose. Ici, le simple mensonge qu'il soit écrit et/ou oral, réitéré ou non est insuffisant à caractériser le procédé de l'escroquerie ; en aucun cas il ne peut constituer à lui seul des manœuvres. Pour être pris en considération, il doit être corroboré par des éléments matériels extérieurs lui donnant plus de force et de crédit, une véritable mise en scène est donc nécessaire. Cette solution classique est aujourd'hui battue en brèche par la Cour de cassation.

Ces manœuvres frauduleuses peuvent prendre des formes très diverses, selon l'ingéniosité de l'escroc. La production de documents, l'intervention d'un tiers, ou encore l'élaboration d'une mise en scène en sont les manifestations les plus classiques. Les manœuvres frauduleuses par production de document sont un moyen couramment utilisé en pratique. Mais toute la difficulté consiste à faire la différence entre un mensonge écrit, qui n'est pas constitutif d'escroquerie, et la production d'un écrit qui tombera sous cette qualification. Ainsi, une facture majorée n'est qu'un mensonge écrit, éventuellement un faux mais en aucun cas une escroquerie, alors qu'un écrit truqué peut être considéré comme l'élément matériel de l'escroquerie. Le fait pour un commerçant par exemple, de truquer ses livres de commerce afin de vendre son fonds plus cher est une manœuvre frauduleuse

Par ailleurs, toujours dans le domaine des affaires, les fausses factures sont des faux et peuvent servir à réaliser une escroquerie lorsqu'elles sont présentées à des organismes financiers pour obtenir du crédit, si toutefois elles sont corroborées par quelques éléments extérieurs.

L'escroquerie aux effets de commerce est aussi pratiquée.

Il s'agit par exemple de présenter à l'escompte une lettre de change tirée sur une entreprise fictive. La manœuvre consiste à accepter l'effet de commerce et non à le présenter à l'escompte. En effet, tirer une lettre de change fictive est un mensonge, la présenter à l'escompte n'est que la réitération du mensonge. La manœuvre consiste à accepter la lettre de change. De faux certificats médicaux ou de fausses feuilles de maladie permettent également de réaliser des escroqueries à la Sécurité sociale, si elles sont confortées par d'autres éléments. Enfin, des cartes grises falsifiées où l'âge du véhicule offert en gage a été minimisé peuvent réaliser des manœuvres quand on les produit à l'appui de document de crédit. Est constitutif de manœuvres le fait de faire opposition au paiement d'un chèque en prétendant que la souche avait été volée et de continuer à émettre des chèques.

On peut aussi imaginer des escroqueries à l'assurance, aux allocations familiales. C’est le cas d’un infirmier qui se fait rembourser des prestations fictives par la caisse d'assurance maladie sur la foi de feuille de soins portant la signature des patients, il se rend coupable d'escroquerie par l'emploi de manœuvres frauduleuses

Il est enfin possible d'utiliser la publicité pour réaliser une escroquerie. La qualification ne fait aucun doute quand il y a intervention d'un tiers ou manœuvres frauduleuses. Il est important de noter qu'il existe en outre une incrimination spéciale, celle de publicité fausse ou de nature à induire en erreur qui permet de poursuivre les annonceurs qui trompent les consommateurs.

Les manœuvres frauduleuses par intervention d'un tiers font partie des techniques classiques de l'escroquerie. Pour que son intervention soit prise en considération, il faut que le tiers soit indépendant par rapport à l'agent - un salarié dépourvu d'autonomie n'est pas un tiers, ni un mandataire - et qu'il vienne confirmer, en usant de son propre crédit, les dires de l'escroc. En revanche, peu importe que ce tiers soit de bonne ou de mauvaise foi. Il est de bonne foi lorsqu'il n'a pas conscience du rôle qu'il joue. C'est le cas de l'expert qui rend un rapport favorable concernant la vente de parts sociales surévaluées parce que la véritable situation comptable lui a été cachée ou de l'intervention d'un expert-comptable indépendant qui certifie les écritures mensongères figurant dans un bilan.

Il est évident que dans de telles hypothèses, le tiers n'est pas complice de l'escroquerie. Il en va différemment lorsque le tiers connaît la machination et qu'il aide volontairement l'escroc. Le tiers est alors déclaré complice. Il s'agit par exemple du témoignage de complaisance d'un tiers venant corroborer la déclaration d'un accident fictif pour pratiquer une escroquerie à l'assurance. Les décisions sont nombreuses qui condamnent des experts comptables et des commissaires aux comptes ayant attesté de la sincérité de comptes qui ne l'étaient pas. Leur qualité de professionnel joue contre eux et la complicité peut être assez facilement retenue. Il est des hypothèses où le tiers n'existe pas, il est inventé de toute pièce par l'escroc. Mais alors, pour qu'il y ait escroquerie et non simple mensonge, il faut que la victime ait pu croire à son existence (Il y aura alors présentation d'un écrit, communication téléphonique). Cet élément peut se rapprocher de la mise en scène.

Les manœuvres frauduleuses par mise en scène constituent le procédé le plus large envisagé par le texte. La mise en scène peut pendre des formes multiples. Il s’agit d’une machination, c'est-à-dire la combinaison de faits, l'arrangement de stratagèmes, l'organisation de ruses... ayant pour but de donner crédit au mensonge. Certaines machinations sont assez simples comme par exemple le fait de remettre en paiement, pour divers achats, des billets que l'on sait être faux pour recevoir en échange de la monnaie véritable. Plus l'ingéniosité de l'escroc est grande et plus la machination peut devenir sophistiquée. On peut citer la pratique dite de la carambouille qui consiste à simuler la création d'un établissement commercial fictif, pour acheter à crédit et revendre le plus vite possible au comptant.

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