Quelles sanctions en cas d'organisation frauduleuse d'insolvabilité ?




L’infraction consiste pour une personne à organiser sciemment son insolvabilité afin de se soustraire et d’échapper aux conséquences d’une condamnation pécuniaire. Le détournement porte donc ici sur les biens de l’auteur même de l’infraction. Il ne s’agit dès lors, non pas de protéger la propriété d’autrui, mais de protéger les créanciers et, au-delà des créanciers, de garantir la bonne exécution des décisions de justice qui fondent leurs droits de créance.

La condition préalable : une condamnation de nature patrimoniale

L’infraction d’organisation frauduleuse d’insolvabilité ne peut exister à défaut de condamnation de nature patrimoniale constatant une dette. Plus encore, le code pénal précise qu’il doit s’agir, pour les personnes physiques, d’une décision prononcée par une juridiction répressive ou civile, en matière délictuelle, quasi-délictuelle ou d’aliments. La loi assimile en outre aux condamnations de paiement d’aliments, les décisions judiciaires et les conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, des subsides ou de contribuer aux charges du mariage. Pour les personnes morales, il doit s’agir d’une condamnation prononcée en matière répressive, délictuelle ou quasi-délictuelle. Dans les deux cas, que ce soit pour les personnes physiques ou pour les personnes morales, les condamnations patrimoniales d’origine contractuelle sont donc exclues du champ d’application de l’infraction.

Cela signifie que l’infraction ne peut pas exister si une telle condamnation n’existe pas ; en revanche, l’infraction est constituée même si l’acte incriminé intervient avant cette décision. Se rend ainsi coupable du délit le prévenu qui, certain de son renvoi devant une juridiction pénale, fait donation d’une partie de ses biens à ses proches afin de se soustraire à la condamnation au paiement de dommages et intérêts à la victime qui risque d’être prononcée.

Les éléments constitutifs

L’élément matériel de l’infraction consiste pour l’agent ou pour le dirigeant de droit ou de fait de la personne morale à organiser ou aggraver son insolvabilité, soit en augmentant le passif ou en diminuant l’actif de son patrimoine, soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de ses biens. C’est par exemple le cas lorsqu’un individu renonce volontairement à un emploi rémunéré pour être en état d’impécuniosité (diminution de ses revenus), lorsqu’il vend certains de ses biens à un prix dérisoire ou lorsqu’il les donne à un proche pour diminuer son actif, ou encore lorsqu’il fait une fausse déclaration de dettes pour augmenter frauduleusement son passif.

L’élément moral de l’infraction suppose d’une part un dol général, à savoir la connaissance par le débiteur de la condamnation pécuniaire qui le frappe, et un dol spécial, le prévenu devant avoir l’intention de se soustraire à l’exécution de cette condamnation. Le simple fait d’accomplir des actes tendant à l’augmentation du passif ou à la diminution de l’actif ne suffit donc pas à caractériser l’intention frauduleuse. Il faut que l’agent ait été animé d’un mobile particulier : la volonté de se soustraire à une condamnation de nature patrimoniale.

La répression

L’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, étant précisé à propos de l’amende que, si la condamnation patrimoniale antérieure a été prononcée par une juridiction répressive, le tribunal peut décider que la peine qu’il prononce ne se confondra pas avec celle qui a été précédemment prononcée. Le coupable encourt également les peines complémentaires de confiscation et d’affichage ou diffusion de la décision de condamnation. Quant aux personnes morales, elles encourent une peine d’amende, ainsi que la confiscation et l’affichage ou diffusion de la décision de condamnation.

Pour finir, deux particularités doivent être mentionnées :
• La première tient à la complicité : en cas de complicité, la juridiction peut décider que le complice est tenu solidairement aux obligations pécuniaires auxquelles l’auteur de l’infraction a voulu se soustraire, dans la limite des valeurs reçues.
• La seconde tient à la prescription de l’action publique : en principe, la prescription de l’action publique commence à courir à compter de la condamnation à laquelle le débiteur a voulu se soustraire, et ce, même lorsque les actes organisant l’insolvabilité ont été réalisés avant la décision de condamnation. Mais lorsque le dernier acte tendant à organiser l’insolvabilité est postérieure à la condamnation, c’est la date de cet acte qui est retenue comme point de départ du délai de prescription.

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