Sous quelle forme les preuves sont-elles considérées recevables ?




La recherche des preuves ne peut se faire dans n’importe quelle condition : l’administration de la preuve ou les modalités d’obtention de la preuve sont susceptibles de porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux, elles doivent alors être encadrées pour limiter les violations des droits des individus. Les investigations menées pour la recherche des preuves sont soumises à des règles relevant tant de principes fondamentaux que de dispositions légales.

Le recueil des éléments de preuve se fera dans le respect de plusieurs principes essentiels à un Etat de droit, en particulier lorsque les autorités publiques sont les agents de cette recherche probatoire.

Le principe de dignité. Ce principe souvent invoqué en matière pénale, trouve sur ce terrain probatoire un champ d’application privilégié pour exclure tout recours à la violence physique ou psychique pour obtenir des preuves. La torture et tout traitement inhumain et dégradant sont interdits pendant les interrogatoires. Ainsi, l’aveu ne peut être valablement recueilli en ayant recours à des violences et des sévices durant la garde à vue de la personne soupçonnée, et lorsque ces violences reprochées aux policiers entraînent des douleurs et souffrances aigues et sont de nature « à créer des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à humilier, avilir et briser éventuellement la résistance physique et morale. »

On ne peut donc pas utiliser des éléments de preuve obtenus au moyen illégaux, de mauvais traitements et autres. Leur versement au dossier et leur utilisation au procès pourront être contestés.

Le principe de loyauté dans l’administration de la preuve. La loyauté régulièrement invoquée dans les décisions jurisprudentielles en matière de preuve, ne fait cependant, l’objet d’aucune définition précise, ni en droit interne, ni en droit conventionnel. Porte par exemple atteinte au principe de loyauté des preuves et au droit au procès équitable, la provocation à la commission d'une infraction par un agent de l'autorité publique, en l'absence d'éléments antérieurs permettant d'en soupçonner l'existence, la déloyauté d'un tel procédé rend irrecevables en justice les éléments de preuve ainsi obtenus, quand bien même ce stratagème aurait permis la découverte d'autres infractions déjà commises ou en cours de commission

Le respect de la loyauté s’impose à l’égard des autorités publiques chargées de recueillir les preuves tout au long de la procédure et concerne les enquêteurs comme les magistrats. Ainsi a été considéré comme déloyale, l’élaboration d’un stratagème par les autorités publiques en vue de la mise en cause d’une personne, l’usage de l’hypnose lors d’interrogatoires ou d’auditions, l’incitation, à l’instigation de policiers, à une connexion internet sur un site pédopornographique et à l’échange de fichiers contenant des images de mineurs à caractère pornographique

Plus généralement, il est important de distinguer la provocation à la commission de l’infraction jugée en principe contraire à la loyauté, et la provocation à la preuve de l’infraction. La commission de certaines infractions est plus délicate à prouver que d’autres, et afin de faciliter la tache des enquêteurs, le législateur a mis en place des dispositifs permettant à ces derniers de s’immiscer dans le processus criminel pour en déceler les mécanismes et identifier les protagonistes. C’est la loi du 19 décembre 1991 qui a introduit des dispositions permettant aux enquêteurs d’infiltrer les réseaux criminels pour assister aux livraisons de produits illicites (dénommées « livraisons surveillées ») et ainsi recueillir les preuves de l’implication des individus.

Ces procédés sont apparus comme des moyens d’investigation efficaces pour résoudre les enquêtes notamment en matière d’infractions transfrontalières ou commises en réseau. Ces mécanismes d’infiltration ont été étendus aux infractions relevant de la délinquance et de la criminalité organisées. Il est aussi déployé pour des dispositifs spécifiques, cibles des politiques criminelles contemporaines que sont les infractions de traite des êtres humains, de proxénétisme ou de recours à la prostitution des mineurs d’une part, et les infractions de nature sexuelle et pour la protection des mineurs d’autre part. Afin d’encadrer ces modes d’investigations dérogatoires au droit commun, la loi a introduit dans ces textes, un régime de nullité des actes s’ils constituent « une incitation à commettre ces infractions ». Les provocations à la preuve de l’infraction par les autorités publiques, distinctes des provocations à l’infraction sont donc admises.

La question de la loyauté de la preuve se pose également au sujet de l’obtention des preuves par les particuliers et par les parties privées au procès. Les juges civils sont plutôt hostiles à la validité de la preuve obtenue de manière illicite : il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Ainsi, l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué et conservé à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue. Au niveau pénal c’est un peu différent, dans le sens où le juge peut aisément admettre que des preuves obtenues de manière illicite par des particuliers puissent être considérées comme recevables devant les juridictions répressives : la loi pénale ne prévoyant des dispositions restrictives qu’à l’égard des autorités publiques, en vertu du principe de légalité, les particuliers ne sont pas concernés. Toutefois, cette solution ne s’applique qu’à condition que les preuves ainsi obtenues, aient été débattues contradictoirement, il s’agit ici de l’application à tous les stades de la procédure. Les critères du débat contradictoire et de l’exercice des droits de la défense pour celui qui produit la preuve déloyale sont déterminants. On retrouve ce type de procédé dans les testing visant à mettre en lumière des cas de discrimination, souvent utilisé par les associations.

Le principe de nécessité, qui se rapproche du principe de loyauté, tend à souligner que « la fin ne justifie pas toujours les moyens ». La recherche de la preuve de l’infraction ou de l’imputation de cette infraction à un individu, ne peut justifier l’atteinte grave à une liberté ou un droit fondamental. La nécessité du recours à un mode de preuve s’exprime également par la règle de proportionnalité entre le mode de preuve et l’atteinte portée. Seule la nécessité de l’enquête, de l’information peut justifier le recours à un moyen qui heurterait un droit individuel fondamental.

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