L'exercice de l'action publique




L'action publique se prescrit selon les formes et délais prévus par la loi. Selon les dispositions du code de procédure pénale, le délai de prescription en matière délictuelle est de trois ans à compter du jour de commission de l'infraction (le délai de prescription pour l'infraction d'escroquerie commence à courir à compter du jour de la remise de la chose ; puisque c'est la remise qui consomme le délit). Cette disposition s'applique aux infractions instantanées (infractions qui se consomment en un trait de temps par la réalisation d'un acte matériel : par exemple, acte de soustraction pour le vol ; remise de la chose pour l'escroquerie...). En revanche, lorsque l'infraction est une infraction continue (infraction dont les effets se prolongent dans le temps : par exemple, l'infraction de port illégal de décoration), le point de départ du délai de prescription de l'action publique est décalé dans le temps. Le délai ne commence à courir qu'à partir du jour où l'infraction cesse de produire ses effets et l'infraction cesse au jour du dernier acte manifestant la volonté criminelle de son auteur.

Cette distinction entre les infractions instantanées et continues permet de régler le régime de prescription des actions. Cependant, la jurisprudence a crée des situations particulières qui modifient le régime de prescription de l'action publique : l'abus de biens sociaux en est une illustration. L'abus de biens sociaux est une infraction instantanée (consommée par l'acte d'usage abusif des biens). Par conséquent, le point de départ du délai de prescription devrait être le jour où les agissements frauduleux ont été commis. Mais la Cour de cassation a retenu une solution différente créant un régime particulier en dehors des prévisions légales. En effet dans un premier temps, la Haute juridiction a jugé que le point de départ de la prescription du délit d'abus de biens sociaux ne court que du jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action. Par ce moyen, des faits constitutifs d'abus de biens sociaux peuvent être sanctionnés de nombreuses années plus tard, dès lors qu'ils n'ont pu être constatés que tardivement, ce qui est fréquemment le cas eu égard à la nature de l'infraction. En effet, l'infraction d'abus de biens sociaux est commise dans le cadre d'une entreprise qui constitue un écran très opaque à la connaissance des agissements frauduleux. En outre, ces faits sont commis par les dirigeants, or dans les sociétés ce sont ces mêmes dirigeants qui détiennent le monopole de la représentation de la société en justice. Il paraît peu probable que le dirigeant qui commet des détournements de fonds, constitutifs d'abus de biens sociaux, révèle ce comportement à la justice.

La Cour de cassation a sensiblement atténué la rigueur de sa solution. Elle considère désormais que le point de départ du délai de prescription est le jour de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société, aux associés, sauf dissimulation. Ce nouveau régime de prescription institué par la Cour de cassation se rapproche de la solution légale sans toutefois s'y soumettre totalement. En effet, la Cour n'applique pas à la lettre les dispositions du code de procédure pénale, mais elle encadre tout de même plus étroitement qu'auparavant le délai de prescription.

La présentation des comptes marque le point de départ du délai, or, le moment de la présentation est fixé par la loi : dans les six mois de la clôture de l'exercice annuel. Par conséquent, une limite temporelle est fixée. Cependant, ce retour à une certaine orthodoxie juridique est un peu illusoire car la Cour a conservé la possibilité de revenir à l'ancienne solution dans le cas de dissimulation. S'il y a dissimulation des actes frauduleux, la jurisprudence antérieure demeure valable et la prescription ne commence à courir qu'au jour de l'apparition du délit dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. Le sens donné au terme « dissimulation » qui est très extensif laisse une grande liberté à la jurisprudence pour maintenir son régime spécial de prescription.

Dans la plupart des cas, l'acte est dissimulé par le dirigeant au sens de la jurisprudence, par conséquent l'application de la solution nouvelle demeurera assez rare et sera le plus souvent retenu comme point de départ du délai de prescription, le moment où le délit est apparu.

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