La liberté de la preuve en matière pénale




Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve. En matière pénale, tout mode de preuve est recevable (les indices, les témoignages, les aveux…) sans qu’une preuve ne prévale sur une autre, sans que le juge ne soit lié par l’une plutôt que par l’autre.

Exceptionnellement, ce principe de liberté est remis en cause :
• Soit pour une catégorie d’infractions : c’est le cas des contraventions qui sont prouvées soit par procès verbaux ou rapport, soit par témoins à défaut de rapports et procès verbaux, ou à leur appui (le mode de preuve est édicté expressément par la loi).
• Soit pour une infraction spécifique pour laquelle des modalités particulières d’établissement de la preuve sont nécessaires : il en est par exemple ainsi pour les vérifications destinées à établir la preuve de l'état alcoolique qui peuvent encore être faites soit au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques, soit au moyen d'un appareil permettant de déterminer la concentration d'alcool par l'analyse de l'air expiré à la condition que cet appareil soit conforme à un type homologué.

Cette liberté est accordée tant aux autorités publiques qu’aux parties privées. Elle a un intérêt pour l’accusation qui peut s’appuyer sur tout élément probatoire pour étayer la thèse de la culpabilité, mais aussi pour le mis en cause qui peut recourir également à tout mode de preuve pour développer ses moyens de défense.

Le principe de la liberté de la preuve induit un second principe, celui de l’intime conviction. Le code de procédure pénale vise à plusieurs reprises le principe de l’intime conviction en indiquant par exemple que le juge décide d'après son intime conviction et plus encore la loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportées contre l'accusé, et les moyens de sa défense (la faculté pour le juge d’apprécier souverainement, sans hiérarchisation toutes les preuves qui lui sont soumises).

En revanche, l’intime conviction ne doit pas être entendue comme l’exercice d’un arbitraire, un processus décisionnel laissé à la discrétion du juge. Celui-ci en tenant compte des preuves qui lui ont été rapportées construit sa décision de manière cohérente et motivée. La loi prévoit d’ailleurs que tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif. Ainsi, l’intime conviction du juge se forge de manière rationnelle, ce dernier dans sa décision, explique son raisonnement, précise comment il acquiert la certitude de l’innocence ou de la culpabilité du prévenu, ces motifs constituent le fondement du jugement. Sur ce point, en cas de recours, il sera vérifié la construction, la cohérence de la décision. Toutefois, force est de constater qu’en matière criminelle, cette exigence de justification des décisions n’est pas entièrement remplie. Les arrêts de cour d’assises ne sont pas motivés, seules les réponses du jury aux questions posées laissent entrevoir quelques éléments de la construction du verdict.

Exceptionnellement, des preuves légales vont s’imposer au juge, lorsque la loi prescrit l’appréciation de la preuve. Ainsi en est-il de certains procès-verbaux :
• Qui valent jusqu’à preuve contraire : le juge ne peut qu’admettre la force probante du procès verbal constatant l’infraction dès lors où aucune autre preuve ne vient en contester le contenu. Tel est le cas de la preuve des contraventions, ou encore de délits prévus dans des textes spéciaux (code de l’environnement, livre des procédures fiscales, code du travail…). Ces textes prévoient même le type de preuve contraire qui peut venir faire tomber cette force probante (la preuve contraire des contraventions ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins).
• Qui valent jusqu’à inscription de faux : la contestation de la valeur probante de ces procès verbaux est alors particulièrement difficile puisqu’il faut démontrer la qualité de faux du document dans le cadre de la procédure très lourde d’inscription de faux. C’est le cas notamment d’infractions douanières ou encore d’infractions à la réglementation de la pêche fluviale.
• Si le procès verbal en principe n’est qu’un simple renseignement (sauf dans le cas où la loi en dispose autrement, les procès verbaux et les rapports constatant les délits ne valent qu’à titre de simples renseignements), dans les hypothèses visées ci dessus, sa force probante est renforcée et vient neutraliser l’intime conviction du juge.

Plus généralement, le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui. Seules les preuves recueillies au cours de la procédure peuvent être retenues et à condition qu’elles aient été communiquées aux parties pour pouvoir être discutées.

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