Quelles conséquences pour un contrat déclaré nul ?




• La destruction rétroactive du contrat

Une fois annulé, qu’il s’agisse d’une nullité absolue ou relative, le contrat est censé n'avoir jamais existé. Il faut donc revenir à la situation d’avant la conclusion du contrat et remettre les parties dans le même état que si le contrat n'avait jamais été signé. Cet exercice soulève de nombreuses difficultés.

Dans certains cas l'annulation ne visera qu'une disposition du contrat. Par exemple, c'est uniquement une clause (d'indexation, de cession...) qui est critiquable. L'annulation de la clause peut-elle rejaillir sur le reste du contrat ? C'est le problème de la nullité partielle. Ces hypothèses de nullités partielles se multiplient avec la réglementation de plus en plus pointilleuse du droit des obligations. Pour répondre à la question, il faut distinguer selon que la loi prévoit ou non ce genre de situation.

En cas de précision légale, l'annulation d'une clause ne pourra avoir aucun effet sur le reste du contrat. C'est le cas des clauses abusives. La loi dit alors clairement qu'elle est réputée non écrite, ce qui rend inutile le questionnement de la résonance de cette annulation sur le reste du contrat.

En cas de silence sur la loi, il faut appliquer deux dispositions du Code civil. Alors qu'elles étaient, à l'origine, opposées, la jurisprudence les a rapprochées, rendant plus délicate la tâche de l'interprète. Pour les actes à titre onéreux, le code civil dispose que toute condition d'une chose impossible ou contraire aux bonnes moeurs, ou prohibée par la loi, est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend. La nullité d'une clause devrait donc entraîner celle de tout le contrat. D’une manière générale, la solution retenue sera que la nullité de la clause n'entraînera celle du contrat que si la clause en question présentait un caractère impulsif et déterminant pour un contractant.

• La portée de la nullité

La portée de la nullité réside dans l'idée de rétroactivité : la vigueur du principe fait heureusement place à des exceptions.

En principe l'adage « ce qui est nul ne produit aucun effet » veut que le contrat nul soit rétroactivement détruit. Les contractants doivent agir comme si le contrat n'avait jamais eu lieu et se remettre dans l'état dans lequel elles se seraient trouvées si elles n'avaient pas contracté : le vendeur rend le prix, l'acheteur l'objet ; l'emprunteur rend le capital prêté, le prêteur les intérêts perçus...

Toutefois, il faut distinguer selon que l'on envisage les restitutions entre les parties ou à l'égard des tiers. A l'égard des parties, les restitutions opèrent comme un contrat à l'envers. Ces restitutions engendrent des calculs économiques précis puisque, le plus souvent, l'objet vendu aura été déprécié, revendu à un tiers, ou intégré dans un ensemble plus vaste. Il faudra alors restituer la valeur de l'objet, au jour de la vente, compte tenu de l'état dans lequel il se trouvait au jour de la vente.

Les restitutions se manifestent si le bien a été l'objet d'une revente : le droit de celui qui donne étant résolu, le droit de celui qui reçoit est résolu. L'annulation d'un contrat est donc susceptible d'entraîner celle de tous les autres contrats qui ont porté sur le même objet.

Toutefois, même entre les parties, la restitution est parfois paralysée pour respecter la nature du contrat, pour protéger une partie, ou l'intérêt général.

Dans les contrats successifs, il est impossible de restituer ce qu'on a reçu : le travailleur ne peut pas restituer son travail, le locataire la jouissance de l'appartement. On dit souvent que l'annulation se traduit par une simple résiliation. L'affirmation est approximative car on doit considérer que l'annulation est rétroactive.

Le propriétaire doit restituer les loyers et le locataire doit restituer une indemnité d'occupation. Le tiers ayant acquis une chose, elle même objet d'un contrat annulé, peut se voir contraint de la restituer. Toutefois des mécanismes correcteurs ont été mis en place pour palier à cet inconvénient.

En matière mobilière, le possesseur de bonne foi sera considéré de bonne foi et pourra s'opposer à la restitution du bien. En matière immobilière, le sous-acquéreur pourra se prévaloir de prescription écourtée que le juge peut fixer lui même et qui peut être d'un montant différent des loyers.

C'est parfois un souci de protection qui conduit à neutraliser la destruction rétroactive. Ainsi, lorsque l'acquéreur était de bonne foi, il peut conserver les fruits. La logique de destruction rétroactive voudrait qu'il rende les fruits perçus. La loi lui permet de « faire les fruits siens » : jusqu'à l'annulation, il se croyait propriétaire des fruits et a pu les consommer. Il n'a pas à les restituer. De même, l'incapable qui fait annuler un acte auquel il a consenti n'est tenu de restituer que ce qui a « tourné à son profit ».

C'est enfin la protection de l'intérêt général qui milite pour la neutralisation de l'effet rétroactif. Deux adages s'opposent à la restitution des prestations reçues d'un contrat annulé : nul n'est entendu lorsqu'il allègue de sa propre turpitude, à égalité de turpitude, le droit à répétition disparaît. La règle aboutit donc à empêcher le contractant qui se prévaut de son immoralité pour obtenir la restitution de la prestation qu'il a fournie : l'acheteur d'une maison close peut certes demander l'annulation de la vente, mais il ne pourra se voir restituer le prix qu'il a versé s'il bénéficie d'un juste titre et s'il est de bonne foi.

De façon générale, le tiers quant à lui pourra se prévaloir de la propriété apparente.

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