Le Code pénal définit lélément matériel de labus de confiance par le seul terme de détournement. Au sens commun, détourner une chose cest lui faire prendre une autre direction que celle initialement prévue. Pour lauteur de labus de confiance, il sagira donc pour lui de se comporter en maître de la chose, comme sil pouvait en jouir ou en disposer comme bon lui semble alors que le titre en vertu duquel il détient cette chose ne lui confère quun pouvoir limité sur elle. On pressent donc que, même si on distingue en théorie lélément matériel et lélément moral de linfraction, ceux-ci sont en réalité très étroitement imbriqués puisque détourner une chose cest se comporter sur elle en maître absolu : un même acte matériel pourra donc selon les cas constituer ou ne pas constituer un détournement selon la psychologie de lagent. Mais attention, cela nimplique pas que lagent se soit personnellement approprié la chose confiée ou quil en ait tiré un profit personnel. Ce qui compte cest que, par son acte, il ait empêché le propriétaire de la chose confiée dexercer ses droits sur elle.
Le détournement peut prendre des formes variées :
Le détournement peut tout dabord prendre la forme dune dissipation : dissiper, cest faire disparaître la chose, soit par un acte matériel tel une destruction de la chose, soit par un acte juridique tel la vente, la donation ou labandon de la chose qui avait été confiée à charge de la restituer, de la représenter ou den faire un usage déterminé. Cest par exemple le cas dun commerçant qui, alors quil a déjà vendu un bien à un acheteur et qui détient désormais ce bien uniquement à titre de dépôt, le vend à un tiers au lieu de le restituer. Le fait quil fasse ensuite une offre de remboursement du prix au premier acheteur est ici sans incidence sur lexistence de linfraction car il ne sagit que dun repentir actif. En effet, labus de confiance est une infraction instantanée qui se consomme dès le détournement.
Le détournement peut ensuite résulter dun usage abusif de la chose remise à titre précaire, cest-à-dire dun usage différent de celui qui avait été convenu par le titre de remise, dès lors que cet usage traduit la volonté de lauteur de se comporter, même momentanément, en maître de la chose.
Le détournement peut encore résulter dun retard dans la restitution de lobjet remis, lorsquil saccompagne dune interversion de titre, cest-à-dire lorsque lauteur a la volonté de se comporter en maître de la chose. Il faut donc distinguer le retard à restituer une chose, suite par exemple à une négligence, qui sanalyse en une simple inexécution dune obligation contractuelle, du retard volontaire dans la restitution de lobjet qui, réalise une interversion de possession caractéristique de labus de confiance, dans la mesure où cela implique la volonté d'exercer les droits du propriétaire et, ainsi, de priver ce dernier de ces droits, fût-ce momentanément.
Il nest pas nécessaire que lagent en ait tiré profit ou se soit approprié le bien confié. En revanche, il faut nécessairement que ce détournement ait été commis au préjudice dautrui.
Le préjudice :
Le détournement doit sêtre opéré au préjudice dautrui. En principe, le détournement nest donc punissable que sil a effectivement porté préjudice à autrui, cest-à-dire au propriétaire ou au possesseur du bien détourné. Toutefois, la Cour de cassation ne se montre pas très exigeante dans la constatation du préjudice. Dune part, elle considère que le préjudice peut aussi bien être un préjudice matériel quun préjudice moral, voir un simple préjudice éventuel.
Lélément moral de labus de confiance :
Labus de confiance est une infraction intentionnelle : il faut donc prouver que lagent a détourné la chose, quil sest volontairement comporter en maître de la chose en sachant très bien que la détention précaire quil avait sur la chose ne lui permettait pas de réaliser un tel acte. La simple négligence ne suffit donc pas : il faut établir la volonté du prévenu de se comporter en maître de la chose et sa conscience du caractère précaire de la détention. En revanche, peu importe que le prévenu nait pas bénéficié lui-même du détournement ou quil lait réalisé au profit dun tiers.
En pratique, la mauvaise foi du prévenu sera déduite des faits (souverainement appréciés par les juges du fond) et notamment de lacte même de détournement. Souvent cela aboutit à un système de présomptions que le prévenu a du mal à renverser.
Enfin, pour en finir avec lélément moral de labus de confiance, un cas particulier doit être mentionné sagissant de léventuelle justification dun refus de restitution : celui qui refuse de restituer une chose qui lui a été remise est-il à labri de la qualification dabus de confiance quant il a cru pouvoir invoquer à son profit un droit de rétention (créancier qui refuse de se dessaisir de la chose que lui a remise son débiteur tant que celui-ci na pas payé sa dette) ? Si lexercice du droit de rétention est légitime et ne traduit aucune intention frauduleuse, la bonne foi du prévenu empêche de retenir la qualification dabus de confiance.