Linfraction consiste pour une personne à organiser sciemment son insolvabilité afin de se soustraire et déchapper aux conséquences dune condamnation pécuniaire. Le détournement porte donc ici sur les biens de lauteur même de linfraction. Il ne sagit dès lors, non pas de protéger la propriété dautrui, mais de protéger les créanciers et, au-delà des créanciers, de garantir la bonne exécution des décisions de justice qui fondent leurs droits de créance.
La condition préalable : une condamnation de nature patrimoniale
Linfraction dorganisation frauduleuse dinsolvabilité ne peut exister à défaut de condamnation de nature patrimoniale constatant une dette. Plus encore, le code pénal précise quil doit sagir, pour les personnes physiques, dune décision prononcée par une juridiction répressive ou civile, en matière délictuelle, quasi-délictuelle ou daliments. La loi assimile en outre aux condamnations de paiement daliments, les décisions judiciaires et les conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, des subsides ou de contribuer aux charges du mariage. Pour les personnes morales, il doit sagir dune condamnation prononcée en matière répressive, délictuelle ou quasi-délictuelle. Dans les deux cas, que ce soit pour les personnes physiques ou pour les personnes morales, les condamnations patrimoniales dorigine contractuelle sont donc exclues du champ dapplication de linfraction.
Cela signifie que linfraction ne peut pas exister si une telle condamnation nexiste pas ; en revanche, linfraction est constituée même si lacte incriminé intervient avant cette décision. Se rend ainsi coupable du délit le prévenu qui, certain de son renvoi devant une juridiction pénale, fait donation dune partie de ses biens à ses proches afin de se soustraire à la condamnation au paiement de dommages et intérêts à la victime qui risque dêtre prononcée.
Les éléments constitutifs
Lélément matériel de linfraction consiste pour lagent ou pour le dirigeant de droit ou de fait de la personne morale à organiser ou aggraver son insolvabilité, soit en augmentant le passif ou en diminuant lactif de son patrimoine, soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus, soit en dissimulant certains de ses biens. Cest par exemple le cas lorsquun individu renonce volontairement à un emploi rémunéré pour être en état dimpécuniosité (diminution de ses revenus), lorsquil vend certains de ses biens à un prix dérisoire ou lorsquil les donne à un proche pour diminuer son actif, ou encore lorsquil fait une fausse déclaration de dettes pour augmenter frauduleusement son passif.
Lélément moral de linfraction suppose dune part un dol général, à savoir la connaissance par le débiteur de la condamnation pécuniaire qui le frappe, et un dol spécial, le prévenu devant avoir lintention de se soustraire à lexécution de cette condamnation. Le simple fait daccomplir des actes tendant à laugmentation du passif ou à la diminution de lactif ne suffit donc pas à caractériser lintention frauduleuse. Il faut que lagent ait été animé dun mobile particulier : la volonté de se soustraire à une condamnation de nature patrimoniale.
La répression
Linfraction est punie de trois ans demprisonnement et de 45 000 euros damende, étant précisé à propos de lamende que, si la condamnation patrimoniale antérieure a été prononcée par une juridiction répressive, le tribunal peut décider que la peine quil prononce ne se confondra pas avec celle qui a été précédemment prononcée. Le coupable encourt également les peines complémentaires de confiscation et daffichage ou diffusion de la décision de condamnation. Quant aux personnes morales, elles encourent une peine damende, ainsi que la confiscation et laffichage ou diffusion de la décision de condamnation.
Pour finir, deux particularités doivent être mentionnées :
La première tient à la complicité : en cas de complicité, la juridiction peut décider que le complice est tenu solidairement aux obligations pécuniaires auxquelles lauteur de linfraction a voulu se soustraire, dans la limite des valeurs reçues.
La seconde tient à la prescription de laction publique : en principe, la prescription de laction publique commence à courir à compter de la condamnation à laquelle le débiteur a voulu se soustraire, et ce, même lorsque les actes organisant linsolvabilité ont été réalisés avant la décision de condamnation. Mais lorsque le dernier acte tendant à organiser linsolvabilité est postérieure à la condamnation, cest la date de cet acte qui est retenue comme point de départ du délai de prescription.