Est il possible de se libérer d'une obligation en la déléguant ?




La délégation est l'opération par laquelle une personne (le délégué) s'oblige, sur instruction d'une autre personne, le délégant, envers une troisième, le délégataire. La délégation a été évoquée, par incidence, par les rédacteurs du Code civil à propos de la novation par changement de débiteur. Pourtant la délégation est une opération bien différente de la novation : en principe, elle n'emporte pas novation de sorte que le délégant reste tenu avec le délégué envers le délégataire.

Souvent, la délégation suppose que les trois personnes soient déjà liées par des rapports de droit : le délégant est généralement débiteur du délégataire et créancier du délégué : l'exécution par le délégué de son obligation envers le délégataire éteindra donc l'obligation qu'avait le délégant envers le délégataire. Mais il n'en est pas toujours ainsi : le délégué peut accepter de s'engager envers le délégataire, uniquement pour lui fournir une garantie supplémentaire ; ou dans le but de gratifier indirectement le délégant. La délégation est donc une institution à multiples utilisations.

Les deux facettes délégation simple ou délégation novatoire (imparfaite ou parfaite) : l'engagement nouveau du délégué fournit au délégataire un nouveau débiteur. Peut-on alors en déduire que le délégant est libéré ? Non, car la loi rappelle que la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur envers le créancier n'opère point novation. En d'autres termes, la délégation laisse survivre l'obligation initiale du délégant envers le délégataire. Cette délégation, qui constitue la règle, est cependant nommée délégation imparfaite (on préfèrera délégation simple) ; elle correspond à une fonction de garantie, assimilable à un cautionnement.

En revanche, il se peut tout à fait que le délégataire ait accepté, en recevant l'engagement du délégué, de libérer le délégant. Lorsque tel est le cas, la délégation est en réalité une novation par changement de débiteur : la dette de l'ancien débiteur (le délégant) est éteinte et est remplacée par l'obligation assumée par le délégué envers le délégant. Il s'agit alors d'une novation par changement de débiteur.

• Le rapport délégant-délégué

S'il y avait une relation préexistante entre eux, elle continue d'exister mais le délégant ne saurait, sans se mettre en contradiction avec lui-même, en demander l'exécution au délégué. L'obligation préexistante du délégué envers le délégant survit, à l'état conditionnel. S'il n'y avait aucun lien entre les deux, et si le délégué a payé la dette du délégant, il peut exercer un recours contre lui. Ce recours a une nature personnelle, mais on pourrait le faire entrer dans la conception extensive de l'article 1251-3° pour y voir un cas de subrogation légale (« celui qui étant tenu avec d'autres ou pour d'autres », cf. supra).

• Le rapport délégant-délégataire

Leurs rapports subsistent puisque nous sommes dans l'hypothèse d'une délégation qui n'est pas novatoire. Le délégataire peut donc poursuivre le délégant si le délégué ne le paye pas. Il reste titulaire de tous les accessoires de sa créance, sûretés personnelle ou réelle. Toutefois, dans l'esprit des parties, c'est le délégué qui est le véritable débiteur, le délégant intervenant comme simple garant. Certains en ont déduit que le délégant pouvait exiger un bénéfice de discussion et n'être poursuivi que si les poursuites contre le délégué se sont soldées par un échec.

• Le rapport délégué-délégataire

Ce rapport est nouveau. Le délégué ne peut opposer au délégataire aucune des exceptions qu'il tirerait de son rapport avec le délégant, ou des rapports entre le délégant et le délégataire. Le délégataire se trouve ainsi dans une situation bien plus favorable que le cessionnaire d'une créance ou que le créancier garanti par une caution.

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