Les moyens de lextorsion
Lextorsion est le fait dobtenir une chose par violence, menace de violences ou contrainte. Il faut donc, pour que la qualification soit retenue, que lagent ait employé au moins lun de ces trois moyens.
La violence sentend dune violence physique : faire usage de la force, porter des coups à la victime, la brutaliser, la bousculer. Lextorsion sapparente alors à une forme de racket. Cette violence peut être exercée contre la victime, mais également contre un tiers, par exemple un proche de la victime afin de forcer cette dernière à remettre la chose convoitée, voire contre des biens, par exemple en détruisant ou menaçant de détruire un établissement.
La contrainte peut aussi bien être physique que morale et elle doit être appréciée en tenant compte de lâge, de la condition physique et intellectuelle et des facultés de résistance de la victime. Il y a par exemple contrainte morale dans le fait de faire rédiger un testament a une personne âgée et malade en faveur dun bénéficiaire autre que celui initialement désigné. La contrainte morale peut encore être caractérisée au regard des circonstances particulières de lespèce. Par exemple, elle a été retenue dans le cas dun pharmacien de garde qui, face à des clients ayant un besoin impérieux de médicaments en pleine nuit et quil est le seul à pouvoir délivrer dans un rayon de 20 km, en profite pour leur imposer une surtaxe de 100 francs. Il y encore contrainte dans le fait pour un syndicat dexiger dun salarié le versement dune certaine somme dargent pour conserver son emploi.
En revanche, ne caractérise pas la contrainte, le fait de tenter dobtenir la remise dune chose à force de sollicitations. De même, lemploi dune voie de droit et, à plus forte raison, la simple menace den user pour essayer dobtenir la remise dun bien par la victime ne peut constituer un des moyens de lextorsion, dès lors que les poursuites envisagées sont légitimes et ne constituent pas un abus.
Ce qui importe pour que lutilisation de la violence, de la menace de violence ou de la contrainte soit retenue comme élément constitutif de lextorsion, cest que ces moyens aient été déterminants de la remise extorquée à la victime : il ny aurait pas extorsion si les violences, menaces ou contrainte navaient eu aucun rôle causal et sil était établi que, même en leur absence, la victime aurait agi semblablement. Cest pourquoi, il ne peut y avoir extorsion que si les violences ou les contraintes ont précédé ou ont été concomitantes à la remise. On ne saurait retenir lextorsion en cas de violences ou contraintes postérieures à la remise de la chose.
Cette définition de lextorsion aurait pu, en certains cas, permettre de sanctionner la mendicité agressive, mais pas toujours puisque linjure, même répétée, ne sapparente ni à une violence, ni à une menace de violence, ni à une contrainte. Cest pourquoi, afin de contrer le développement de cette forme de délinquance dans les rues et lieux publics, le législateur a choisi de créer une incrimination spéciale et punit ainsi de six mois demprisonnement et de 3 750 euros damende, le fait, en réunion et de manière agressive, ou sous la menace dun animal dangereux, de solliciter, sur la voie publique, la remise de fonds, de valeurs ou dun bien. Lincrimination est moins sévèrement sanctionnée que lextorsion et bénéficie dun champ dapplication moins large, notamment au regard du but poursuivi par lauteur.
Le but poursuivi.
Les moyens mis en uvre par lagent doivent tendre à obtenir de la victime laccomplissement de lun des trois actes : soit lobtention dune signature, dun engagement ou dune renonciation, soit la révélation dun secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou dun bien quelconque.
Lobtention dune signature, dun engagement ou dune renonciation :
Les violences ou contraintes peuvent tout dabord viser à obtenir une signature apposée sur un écrit. La nature de cet écrit ainsi que sa portée sont indifférentes : il peut tout aussi bien sagir dun écrit ayant des incidences pécuniaires, par exemple une quittance de loyers, une reconnaissance de dette, une lettre de change ou une promesse de vente, que dun écrit quelconque, telle une lettre missive. En outre, lextorsion est consommée quelque soit la qualité juridique du titre : lexistence dune éventuelle nullité affectant la régularité du titre na aucune incidence sur la consommation de linfraction.
Elles peuvent ensuite viser à obtenir un engagement ou une renonciation sans que cela soit constaté dans un écrit signé. Par exemple, il y a extorsion à obtenir sous la violence lembauche orale de deux videurs dans un cercle de jeux. Lengagement ou la renonciation extorqué peut porter tout aussi bien sur un acte positif que sur une abstention. La Cour de cassation a ainsi jugé que le fait de séquestrer un inspecteur du travail en vue de le faire renoncer à établir un procès-verbal, à engager des poursuites et à exiger des pénalités à la suite dun contrôle constituait une extorsion. Ici, encore, comme pour lextorsion de signature, il nest pas nécessaire que lengagement ou la renonciation produisent des conséquences patrimoniales, comme ce serait le cas si la victime sengage à renoncer à une action en justice sans conséquence pécuniaire.
La révélation dun secret :
Il sagit là dune innovation opérée à loccasion de la réforme du Code pénal. La modification est importante car elle accroît considérablement le champ dapplication de lincrimination. En effet, en visant sans plus de précision « un secret », le texte protège désormais des biens incorporels qui peuvent navoir aucune valeur pécuniaire. La nature du secret nétant pas précisée par le texte, il peut sagir aussi bien dun secret de fabrique, dun secret professionnel, dun secret sur une transaction financière en cours, du numéro confidentiel ou du code dune carte bancaire que dun événement de la vie privée des personnes tenus caché
etc.
La remise de fonds, de valeurs ou dun bien quelconque :
Les termes « fonds » désignent largent, les billets de banque, la monnaie métallique, les chèques et autres effets de commerce et les « valeurs » désignent tout objet ou denrée qui ont une valeur marchande, par exemple un sac de grains. Quant à lexpression « bien quelconque », elle est particulièrement large puisque, excepté les immeubles, elle viserait tout type de biens.
Ainsi défini, lélément matériel de linfraction éclaire en même temps lélément moral. Lextorsion est une infraction intentionnelle, lintention étant caractérisée par la conscience dobtenir par la force, la violence ou la contrainte ce qui naurait pu être obtenu par un accord librement consenti, le mobile étant classiquement indifférent. La preuve de cette intention découlera en pratique des moyens matériels mis en uvre car, à lévidence, celui qui utilise la violence ou la contrainte le fait car il sait que sans cela il ne pourra obtenir le bien convoité.
La sanction de lextorsion.
Lextorsion porte atteinte aux biens mais aussi à la personne du fait des moyens de commissions, elle est donc punie plus sévèrement que le vol. La sanction encourue est de sept ans demprisonnement 100 000 euros pour lextorsion simple. La tentative est incriminée. Les personnes morales encourent la peine pécuniaire multipliée par cinq et les peines complémentaires prévues au code pénal. Les circonstances atténuantes sappliquent ainsi que les immunités ou les réductions de peines.